Charbonnières-les-Varennes : au nom de la rose

 

         Ce n'est pas si fréquent, quand on part à la rencontre des jardins, que l'ont ait d'aussi jolies indications pour trouver son chemin : "Dans le village de Charbonnières-les-Varennes, devant le lavoir, tournez à gauche, puis à droite derrière la croix, les roses sont au bout du sentier."

         Elles sont là, effectivement, qui suivent la courbe d'un champ en pente douce. Aujourd'hui 800, demain 1000 variétés de roses habiteront ce jardin. Huit cents variétés de roses sauvages ou anciennes, car la rose moderne intéresse peu Catherine Chabry, la propriétaire des lieux, qui ne lui reproche pourtant pas grand chose, peut-être simplement de manquer d'âge et par-là même d'âme. C'est ainsi qu'au fil des années, les galliques et les centifolias, les roses de Damas et les roses muscates, les bourbons et les hybrides de multiflora ont trouvé dans le hameau de Dourioux un terrain d'expression à leur mesure où elles se livrent, chaque année, avec une belle régularité, à un grand sabbat fleuri qui débute au printemps et se poursuit jusqu'à la fin de l'été.

         Entre Catherine et les fleurs, c'est une histoire qui a toujours existé, une passion qui n'a fait que s'amplifier au cours des années. Plus que du travail et de l'abnégation, la rose exige de l'attention et un véritable amour pour révéler ses secrets et raconter son histoire, la sienne ou celle du nom qui lui a été donné. Se promener dans les allées de la roseraie revient à feuilleter les pages d'un livre d'images. Ainsi, la Belle Sultane résume entre ses pétales écarlates l'aventure d'une jeune femme, Aimée Dubuc de Riverie, cousine de l'impératrice Joséphine de Beauharnais, capturée à l'âge de quinze ans par les pirates barbaresques au large des Baléares, qui fut offerte par le dey d'Alger au sultan de Constantinople et qui deviendra la favorite de la cour de Turquie. Le temps et la distance enfin abolis, elle a retrouvé sa parente perdue de vue depuis longtemps. Ici, en effet, tous les miracles sont possibles, même celui de réconcilier dans une même allée, l'épouse répudiée et son empereur de mari, la corolle couleur chair de rose de Joséphine côtoyant naturellement les pétales rose vif du Chapeau de Napoléon, qui doit son nom à son bouton en forme de bicorne lequel exhale, quand on le froisse, une étonnante odeur de myrrhe. Car tout le monde sait qu'une rose sent tout sauf la rose mais plus facilement le muguet ou la résine, le miel ou la fleur d'amandier et il suffit aux incrédules d'approcher de Sénégal qui embaume la cire d'abeille et le citron pour s'en convaincre.

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